01/22/2025
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MALI: Tierno Monénembo : « Requiem pour la Cedeao »

CHRONIQUE. Le départ fracassant du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Cedeao en ce début d’année marque un tournant sombre pour l’Afrique de l’Ouest.

Nous attendions des étrennes en ce début de Nouvel An, c'est un cadeau empoisonné qui nous arrive, un coup dur, un véritable crève-cœur. Ce n'est donc pas une blague : ce 29 décembre, le Mali, le Niger et le Burkina claquent la porte de la Cedeao et jurent ne plus vouloir y revenir. Pauvres de nous qui croyions que l'absurde avait des limites même dans la tête de nos incroyables dirigeants ! Les idéalistes qui en ont vu d'autres survivront peut-être à cette catastrophe. L'Histoire qui est filmée aujourd'hui leur laissera, quoi qu'il en soit, une maigre consolation : une simple capture d'écran suffira pour en dénoncer les coupables aux générations futures.

La bureaucratie flemmarde et corrompue d'Abuja, les tontons flingueurs de Bamako, de Niamey et de Ouagadougou seront tôt ou tard convoqués à la barre pour répondre de ce qu'il faut bien appeler une tragique histoire de famille. Ces dirigeants mal inspirés, ces briseurs de rêve, seront tous condamnés par l'Histoire, quel que soit leur degré de responsabilité.

C'est la preuve encore une fois que la guerre des frères est la plus atroce des guerres. On ne se contente pas de s'étriper, on brûle aussi la maison du père. Pourquoi, mon Dieu ? Pour quelques médailles, pour quelques dollars de plus, plus plausiblement pour d'obscures considérations extérieures. Faut-il croire que nous sommes des tirailleurs dans l'âme et que nous serons pour toujours les braves caporaux de la guerre des autres, qui plus est cette fois-ci menée sur notre territoire ?

Les dirigeants face au tribunal de l'Histoire

À qui profite le crime ? Certainement pas à l'Afrique et aux Africains ! Il est de bon ton aujourd'hui pour les nationalistes de façade de se gargariser de souverainisme et de panafricanisme. Le souverainisme et le panafricanisme, tout le monde en veut, mais pas de cette manière-là. Nous ne parviendrons jamais à les mettre en œuvre en nous tournant le dos ou en nous crêpant le chignon

.L'Histoire est là, nous sommes mieux placés que les autres pour mesurer les conséquences de la division, cette tare génétique à l'origine de tous nos malheurs.

Le souverainisme et le panafricanisme ne se limitent pas aux banderoles et aux slogans ; sinon, nous les aurions déjà parachevés. Le panafricanisme et le souverainisme, ça se construit avec les briques de l'esprit de famille, avec la truelle de la responsabilité. Briser la Cedeao ne fera avancer personne d'entre nous. C'est, bien au contraire, ouvrir la boîte de Pandore, c'est multiplier par dix tous les maux qui nous accablent : le terrorisme, le chômage, les tensions intercommunautaires, les conséquences du dérèglement climatique et, pire encore, la rivalité des grandes puissances dans le pillage de nos ressources.

Réapprendre des erreurs du passé

L'Afrique a la manie de répéter les mêmes erreurs avec une inconscience qui donne le tournis. Il arrive aujourd'hui à la Cedeao ce qui est arrivé naguère à l'OERS (l'Organisation des États riverains du fleuve Sénégal, qui rassemblait la Mauritanie, le Mali, le Sénégal et la Guinée). Fondée en 1968 à Labé, cette belle et très prometteuse organisation était censée intégrer les populations de la Mauritanie, du Sénégal, du Mali et de la Guinée dans un projet très intelligent qui, s'il avait abouti, aurait placé ces quatre pays sur la même orbite que la Corée du Sud ou la Malaisie. Hélas, la France tira d'un côté, l'Union soviétique, de l'autre, et l'OERS mourut, victime d'écartèlement.

En 1987, je me retrouvai avec mon défunt compatriote Williams Sassine à la Villa Syli de Labé, où Sékou Touré aimait convier ses hôtes. Dix-neuf ans après, la pimpante demeure était au bord de la ruine. À présent, les jeunes de la ville s'y retrouvaient le samedi soir pour danser le reggae. Ce soir-là, Sassine me demanda de regarder en pointant du doigt le sol. Je me penchai vers la plaque commémorative sur laquelle sautillaient les danseurs et lus : « C'est ici que le 24 mars 1968 fut créée l'OERS… » C'était signé Moktar Ould Daddah, Modibo Keïta, Léopold Senghor et Ahmed Sékou Touré.

Cette plaque, les victimes des malheureux événements qui ont endeuillé la frontière sénégalo-mauritanienne en 1989 ne l'ont pas vue. Heureusement ! Elles seraient mortes une seconde fois.

*1986, Grand Prix littéraire d'Afrique noire ex aequo pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, Prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, Prix Erckmann-Chatrian et Grand Prix du roman métis pour « Le Terroriste noir » ; 2013, Grand Prix Palatine et Prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la francophonie pour l'ensemble de son œuvre.

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