01/23/2025
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ChroniqueLE MONDEMigrations

« On va vraiment rester ici tout l’hiver? » : en Belgique, toujours plus de migrants se retrouvent à la rue

En Belgique, les associations sonnent une nouvelle fois l’alerte au sujet des migrants qui vivent à la rue. Alors que le nombre de places d'hébergement n’évolue pas, voire baisse, la part de sans-abris dans la capitale belge ne cesse d’augmenter. Des centaines d'exilés sont ainsi poussés à l'errance. Reportage à Bruxelles.

Romain Philips, envoyé spécial en Belgique,

Recroquevillé derrière des barrières recouvertes de cartons, Pascal* vit sur quelques mètres carrés de sol tapissés de sacs de couchage et de couvertures avec quatre autres personnes. Même si elles sont à l’abri du vent sous ce porche d’immeuble, celles-ci sautent d’enthousiasme en voyant la camionnette rouge et blanche de la Croix-Rouge, comme chaque mercredi, se garer devant leur lieu de vie et amenant avec elle des boissons chaudes et des repas.

Le Congolais arrivé en Belgique il y a six mois, le visage dissimulé sous un bonnet et un masque chirurgical qui laisse échapper sa barbe drue, tend immédiatement la main pour obtenir un café, mais surtout, des réponses. Car comme tous les demandeurs d’asile, il est victime du système d'accueil belge surchargé. Depuis plus d’un an, le gouvernement a fait le choix de laisser de côté les hommes seuls, privilégiant l’hébergement des femmes et enfants.

Épuisé par les nuits glaciales et les premiers flocons de neige qui ont fait leur apparition la semaine dernière, Pascal laisse éclater sa colère. "La Belgique va vraiment nous laisser ici tout l’hiver ? Vous savez qu’il va y avoir un mort à ce rythme-là !", tance-t-il. "On ne demande pas grand-chose, un immeuble désaffecté avec des toilettes ça irait. Ce qu’il nous faut, c’est juste un endroit où se poser l’esprit le soir. La vie est déjà assez dure ici", ajoute-t-il, craignant que certains "pètent les plombs dans la rue".

Des questions qui laissent sans-voix les bénévoles de la Croix-Rouge pour qui la seule réponse est d’évoquer un parking sous-terrain en face de "Pacheco", l’ancien bâtiment où les migrants se rendaient pour demander l’asile. Auparavant, plusieurs dizaines de demandeurs d’asile avaient établi un lieu de vie ici avant qu’ils n’en soient délogés par les forces de l'ordre. Maintenant, les exilés sont éparpillés dans la capitale, cachés dans les recoins de la ville.

Récemment, les bénévoles ont découvert un groupe d’Afghans installé sous un pont entassés sur un rebord d’à peine un mètre de large le long du canal. Jean, lui, vit seul dans une tente qu’il a réussi à trouver et préserver. "Mais je m’inquiète pour mon futur", confie le Burundais de 32 ans. "Ici, je ne sais pas ce que je vais devenir et je ne vois pas la situation avancer. Ça me stresse terriblement donc je fais des tours de vélos la nuit, ça me réchauffe un peu et ça m’aide à ne pas pleurer", témoigne-t-il avant de partir, son panier repas accroché au guidon.

"Les chiffres détaillent à eux seuls la situation"

L’absence de solution n’atteint pas la motivation de Dirk Nijs, retraité et indéboulonnable bénévole. Il revient tous les mercredis pour cette maraude et demeure aux premières loges de cette situation qui s’aggrave. "C’est assez simple à évaluer. Je fais des rapports régulièrement depuis que je suis devenu bénévole il y a trois ans. En 2022, on ne faisait qu’une maraude le mercredi pour une moyenne de 60 bénéficiaires. En 2023, c’était environ 88 par maraudes. Maintenant, on fait des maraudes supplémentaires le dimanche pour une centaine de personnes".

Un grand décompte a été réalisé par les organisations humanitaires le mois dernier à Bruxelles. Le résultat est attendu au printemps 2025 mais les associations s’attendent à atteindre le nombre de 10 000 personnes sans abri dans la capitale belge. Il était de 7 000 lors du dernier recensement en 2022. "Les chiffres détaillent à eux seuls la situation", se désole le bénévole.

Des centaines de personnes passent chaque jour dans cet accueil de jour, dont de plus en plus de femmes et d’enfants, même si aucune n’est présente ce mercredi. Selon les ONG, "depuis le début de l’année, sur les 521 familles qui se sont présentées en demande d’un logement [auprès des autorités], plus de la moitié (276) n’a pas pu trouver une place dans le réseau d’hébergement d’urgence car ce dernier est totalement saturé", explique Danièle Morritti. "On a des chiffres qui sont problématiques. Il faut que le réseau d’accueil soit en mesure de s’agrandir", continue-t-elle, en contemplant les dizaines de migrants faisant charger leur téléphone sous une fresque de drapeaux représentant les pays d’origine des exilés.

"Epée de Damoclès"

Pour faire face à la crise, la Croix-Rouge a décidé de rouvrir mi-novembre 100 places d’hébergement d’urgence pour des familles avec enfants. "Mais le lieu a été immédiatement rempli", explique Dirk, le bénévole maraudeur de la Croix-Rouge. Et il n’est que temporaire. Il avait déjà fermé une première fois, faute de financement. Il sera clos à nouveau une fois l’hiver passée en mars 2025.

"Des familles, dont des bébés de quelques mois, sont hébergées dans l’urgence, en ayant cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes", assure la Croix-Rouge qui demande "aux autorités d’envisager des perspectives à court et long terme". "L’urgence n’est pas simplement d’offrir un abri pour la nuit, mais de créer un parcours de soutien, un chemin vers la stabilité et la réinsertion sociale", note l'ONG.

En attendant un changement, dimanche, Dirk chargera dans sa camionnette des couvertures et des sacs de couchage pour les exilés qui attendent déjà son retour. "C’est le minimum que l’on puisse faire pour ces gens qui n’ont plus rien. On reviendra puis on prendra le temps de discuter avec eux car maintenant qu’ils sont dispersés, pour certains, nous sommes leur unique contact social et c’est important, surtout dans cette situation, de rappeler à ces personnes qu’elles ne sont pas seules", conclut-il.

*Les prénoms ont été modifiés

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