C’est une aventure exceptionnelle, celle d’Al-Ahram Hebdo. Depuis ses débuts en 1994 jusqu’à notre 30e bougie que l’on souffle aujourd’hui. Des années de dur labeur, de professionnalisme, de moments joyeux et d’autres difficiles. Mais aussi une expérience humaine unique. Retour sur notre magnifique épopée.
C’était il y a un peu plus de trente ans, vers la fin de l’été 1993. De jeunes gens et de jeunes filles, tout fraîchement sortis de l’université, arrivent à la Fondation Al-Ahram, cherchant le bureau de l’écrivain Mohamed Salmawy. Ils viennent suite à une annonce diffusée dans les journaux et à l’Institut français : Al-Ahram est à la recherche de jeunes diplômés francophones pour travailler comme journalistes dans une publication en langue française.
Le projet était grand. Lancer un hebdomadaire en français au sein de la prestigieuse Fondation Al-Ahram. A l’époque, il n’existait que deux quotidiens en langue française en Egypte. Il fallait redonner un souffle à la presse francophone à travers un nouveau journal qui offre une image complète et différente de l’Egypte, qui porte la voix de l’Egypte au monde.
Pour cela, il a été décidé qu’il s’agirait d’une publication générale, qui aborde des sujets variés pour cibler un lectorat plus large. De l’actualité politique interne dans les pages Egypte (aujourd’hui dirigées par Chaïmaa Abdel-Hamid) à celle du monde entier dans les pages International (dirigées par Abir Taleb), en passant par le traitement vulgarisé de sujets économiques dans les pages Economie (dirigées par Marwa Hussein) et la rubrique Opinion (sous la responsabilité de Hoda Ghali) qui donne la voix à nombre d’éditorialistes. Sans compter les enquêtes approfondies de la rubrique qui a pris le nom Enquête, puis Le Fait de la semaine, avant de lui attribuer le nom Le Dossier (avec Aliaa Al-Korachi aux commandes). Ou encore les pages Sports pour les férus d’informations sportives (sous la responsabilité de Mohamad Mosselhi) et la page Hebdorama qui couvre en photos l’actualité mondaine de l’Egypte (Chérine Abdel-Azim). Aussi, celles Arts et Idées (Dalia Chams), pour les amateurs de culture et pour ceux qui veulent découvrir l’Egypte à travers sa culture. L’Hebdo n’a pas non plus manqué, à travers la page Visages, de mettre en avant des personnalités connues et d’autres moins connues de divers domaines, ni de donner la parole à des personnalités égyptiennes et étrangères de renom dans la page Entretien. Et les fameuses pages Tourisme (Hala Farès) qui offrent un voyage à travers le temps et l’espace en faisant découvrir l’égyptologie, la riche archéologie et le magnifique patrimoine de notre pays. La rubrique Mode de vie et Au Quotidien (Dina Darwich) décortique la société égyptienne, ses coutumes et ses combats, ses maux et ses bénédictions, ses défis et ses prouesses.
Le tout à travers de l’analyse, des interviews, des enquêtes, des reportages sur le terrain dans les quatre coins du pays. Et ce, pour offrir aux lecteurs une image globale de l’Egypte et une couverture complète de l’actualité nationale et internationale. Le tout avec l’appui de notre rédactrice en chef, Névine Kamel, et de notre chef d’orchestre, Chérif Soliman, directeur de la rédaction, véritable pilier de l’Hebdo.
Tout cela ne s’est pas fait sans un dur labeur de la part de toute l’équipe de l’Hebdo. Notamment ses soldats inconnus. Ceux dont les noms ne figurent pas sur les pages du journal, qui ne signent pas d’articles, mais qui contribuent amplement à sa réussite : les journalistes du service de traduction (dirigé par Amani Gamal El Din) ou encore ceux de la correction (Dira Maurice) et ceux de la mise en page (Omar Farid).
Au commencement, il n’y avait même pas de locaux propres à nous, les rencontres se déroulaient dans une pièce délaissée d’un ancien bâtiment presque en ruines, juste à côté du siège d’Al-Ahram. Cependant, personne ne s’est arrêté sur ces détails, c’était, au contraire, une partie de l’aventure. Et c’est avec une grande passion que nous avons commencé, ensemble, à apprendre et à acquérir les connaissances nécessaires.
Mais il a fallu presque un an de préparation avant de lancer le premier numéro de l’Hebdo.
Pendant ce temps, on a appris comment rédiger des articles, faire du terrain, choisir des photos, faire la mise en page et bien d’autres techniques que la plupart d’entre nous ignoraient. Nous étions tous jeunes, sans trop d’expériences, mais avec beaucoup de détermination et de volonté. Certains sont arrivés là par hasard, d’autres par amour de la langue française, d’autres par passion du journalisme. Mais nous portions tous la ferveur de la jeunesse, l’ambition de conquérir le monde, de laisser notre empreinte à travers nos écrits.
Bien sûr, nous n’aurions rien pu faire sans Mohamed Salmawy, le père spirituel de l’Hebdo, son premier rédacteur en chef (de 1994 à 2010) et notre premier mentor. « Monsieur Salmawy », comme on l’appelle encore, est celui qui nous a inculqué les rouages du journalisme, le respect des détails, la crédibilité. Mais aussi notre confiance en notre identité.
Il y avait aussi Michel Herman, Nicolas Gaudichet, Bruno Ronfard, Fabrice Jouhaud, Benjamin Barthe et d’autres … Autant de journalistes français du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ, Paris), qui ont contribué au lancement du journal et à la formation du personnel. A leur côté, des journalistes égyptiens de grande envergure tels Ahmed Loutfi et Soheir Fahmi qui, jusqu’à leur décès, sont restés des piliers majeurs de l’Hebdo. Et Hicham Mourad, deuxième rédacteur en chef de l’Hebdo (2011-2014), suivi de Fouad Mansour (2014-2020). Chacun d’eux a donné de soi et s’y est pleinement investi. Chacun d’eux a apporté un plus au journal. Chaque membre de l’équipe a contribué à sa pérennité.
Tout a commencé sur du papier « dacht », du papier brouillon qui provient des restes de l’imprimerie. Très vite cependant, le tout a été informatisé. Et notre génération, qui n’était pas encore habituée, à l’époque, à l’outil informatique, a vite acquis les compétences nécessaires. Ainsi, nous sommes devenus le premier journal de la Fondation Al-Ahram et du pays totalement informatisé : des différentes étapes de la rédaction d’un article jusqu’à la mise en page, à l’imprimerie.
Nous avons ensuite eu notre premier siège officiel, au 5e étage de l’ancien bâtiment d’Al-Ahram. Une place de choix dans l’étage qui abrite les bureaux des grands écrivains d’Al-Ahram en plus des archives. C’est dans ces bureaux, petits mais grouillant de vie, que nous passions des heures à préparer nos articles, à faire des recherches (Internet n’était pas encore là). C’est là que nous avons préparé les 12 numéros zéro avant de lancer le 1er numéro le 14 septembre 1994.
Dès ses débuts, l’Hebdo s’est distingué par ses journalistes partageant une culture commune, ouverts aux médias internationaux et au plus près de la rue. Jeunes, pleins de vie, les journalistes transmettaient leur vitalité dans leur travail. Les réunions se faisaient dans une ambiance dynamique, pleine de vitalité et d’enthousiasme. Les échanges étaient riches et passionnants, parfois même houleux …
On a fait bien du chemin depuis ! Aujourd’hui, nous sommes fiers que l’Hebdo soit un produit à 100 % égyptien, sans la contribution de journalistes étrangers. Ainsi, au fil du temps, les jeunes journalistes débutants se sont transformés en professionnels. Plusieurs d’entre eux ont même reçu des prix de divers organismes, que ce soit en Egypte ou dans d’autres pays.
Certains journalistes sont partis pour poursuivre leur carrière ailleurs, d’autres se sont joints à nous en cours de route, d’autres nous ont quittés pour toujours, parfois promptement : Waël Ragab, Samer Soliman ou plus récemment Chourouq Chimy et Najet Belhatem, laissant un vide et un pincement au coeur.
L’Hebdo, c’est la voix de l’Egypte à l’étranger. Les journalistes de notre hebdomadaire ont souvent été sollicités pour participer à divers colloques égyptiens et internationaux. Ou encore pour collaborer avec d’autres organes de presse ou des médias.
Parallèlement au journalisme proprement dit, l’Hebdo est aussi une expérience humaine unique qui ne se limite pas au journal, c’est toute une communauté, des personnes d’exception, des relations humaines, des amitiés … Autant de choses qui ont contribué au succès du journal. L’endroit a gagné en valeur grâce à ses gens. « Au fil des années, nous sommes devenus une vraie famille ». Une phrase que chacun de nous répète.
Et au cours de 30 ans, l’Hebdo n’a jamais cessé d’évoluer. Un site web a été créé en 1998, des rubriques ont été supprimées, d’autres ont été ajoutées pour rester à l’air du temps. Pour enfin lancer, en 2023, un site d’actualité en continu, Ahraminfo. Toujours avec la même famille de l’Hebdo, le même esprit qui lui est propre, le même enthousiasme qui n’a jamais disparu. Ahraminfo est ainsi la plus récente des évolutions, mais certainement pas la dernière. Car l’aventure de l’Hebdo continue toujours.