La Banque Centrale d’Egypte (BCE) approuve l’expansion d’InstaPay en Jordanie, aux Emirats et en Arabie saoudite, afin d’attirer les transferts financiers des expatriés.
Les Egyptiens vivant dans certains pays arabes pourront bientôt utiliser l’application de paiement en ligne InstaPay, très populaire en Egypte, pour transférer leurs virements vers leur pays d’origine. La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a conclu des accords avec les Banques Centrales des Emirats Arabes Unis (EAU) et de la Jordanie, tandis que des négociations sont en cours avec l’Arabie saoudite. Un système électronique sera mis en place pour relier les banques de ces pays à l’application.
L’expansion des services d’InstaPay au-delà des frontières égyptiennes devrait commencer début 2025. « Les banques locales ont obtenu les autorisations nécessaires pour activer les services de réception des transferts effectués par les Egyptiens résidant à l’étranger », a déclaré Ehab Nasr, vice-gouverneur adjoint de la BCE chargé des systèmes et services de paiement. Il a précisé que « dans un premier temps, les transferts se feront en livre égyptienne. Le gouvernement étudie toutefois la possibilité de les élargir progressivement au dirham émirati et au riyal saoudien ». L’Arabie saoudite, les EAU et la Jordanie regroupent la plus grande diaspora égyptienne, soit environ 5 millions de citoyens, selon la BCE. En 2022-2023, ces expatriés ont transféré 14,3 milliards de L.E., contre 21,5 milliards l’année précédente.
« Une fois que les autorités réglementaires se seront mises d’accord et auront ajusté les cadres juridiques, les opérations pourront être lancées. Il n’y a pas de problème à ce niveau », a souligné Hicham Hamdi, analyste financier à la banque d’investissement Naeem.
Alors qu’en Egypte, les transactions via InstaPay sont exemptes de commissions, les transferts depuis l’étranger seront facturés. « Les frais seront déterminés en fonction des devises utilisées et des pays impliqués. Les utilisateurs doivent comprendre que si une transaction est effectuée dans une devise étrangère, elle sera collectée par la banque destinataire dans cette même devise, avant d’être convertie en livre égyptienne pour le bénéficiaire », explique Aya Hamdi, analyste financière au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques. Selon l’analyste, les services de transferts de fonds ne seront pas uniquement assurés par les banques, mais aussi par des fintechs comme Fawry. Aya Hamdi ajoute que l’objectif du gouvernement est d’attirer le maximum de devises étrangères dans le système bancaire officiel, tout en réduisant les transactions sur le marché noir. « Le projet sera mis en oeuvre par étapes. La première concernera les devises du Golfe, comme le dirham et le riyal. Si l’expérience s’avère concluante, elle sera étendue ultérieurement au dollar et à l’euro », précise-t-elle.
Impacts économiques
Dans une étude menée au Centre de la pensée et des études stratégiques, Aya Hamdi énumère les impacts positifs qu’une expansion réussie des services d’InstaPay pourrait avoir sur l’économie locale à moyen terme. Elle souligne que cette initiative contribuera inévitablement à élargir le champ de l’inclusion financière.
L’objectif de la BCE est d’atteindre un volume de transactions de 1 500 milliards pour une valeur de 2 600 milliards de L.E. d’ici fin 2024, selon les déclarations de Ehab Nasr. Il a aussi déclaré que le nombre d’utilisateurs avoisine actuellement 11,5 millions de clients. « L’élargissement des services réduira la dépendance des Egyptiens à l’étranger envers les médiateurs et les courtiers en devises, particulièrement dans les pays du Golfe, où ils sont très répandus et alimentent le marché parallèle des devises », explique Aya Hamdi.
Selon la même étude, le succès de cette initiative entraînera une augmentation des revenus perçus grâce aux commissions et une hausse des réserves en devises étrangères. Les transferts des Egyptiens à l’étranger représentent une part importante de ces réserves. Entre janvier et août 2024, ces transferts ont augmenté de 36,4 %, atteignant 18,1 milliards de dollars contre 13,3 milliards de dollars sur la même période en 2023.
Cependant, plusieurs défis incontournables freinent une mise en oeuvre harmonieuse d’InstaPay hors d’Egypte. Haytham Fahmy, chef de la recherche à la banque d’investissement Prime, doute de l’attrait que l’application pourrait avoir en dehors de l’Egypte : « Si une opération échoue à cause d’un problème technique, à qui les Egyptiens à l’étranger pourraient-ils s’adresser ? Il faut d’abord résoudre cet obstacle. Il n’existe aucune tierce partie physique à laquelle ils pourraient se référer, ce qui soulève des questions sur les procédures de contrôle des Banques Centrales des pays concernés ». Il ajoute : « Les utilisateurs seront réticents à transférer de grosses sommes via une application. Ils préfèreront les services bancaires traditionnels, perçus comme plus sûrs, car ils fournissent un reçu officiel ».
En plus, il est encore incertain que l’infrastructure nécessaire et les bases de données soient prêtes. Fahmy s’interroge : « Les expatriés devront-ils avoir des comptes en devises étrangères dans les banques respectives ? Ce point reste flou. Il faut résoudre ces questions logistiques, et je pense que tout cela est en cours d’examen ». Pour Fahmy, il est essentiel de prendre du temps pour tester le service, répondre aux questions soulevées et évaluer l’expérience avant de passer à des étapes plus avancées.
De son côté, Hicham Hamdi estime que les procédures de fonctionnement ne sont pas aussi complexes qu’elles en ont l’air. « Elles reposent sur un compte unifié regroupant les banques égyptiennes et celles du Golfe. Sur la même application, d’autres banques du Golfe, voire d’ailleurs, pourront être ajoutées à l’avenir. Nous avons l’exemple de PayPal, une application américaine qui, à ses débuts, était similaire à InstaPay. Aujourd’hui, elle est opérationnelle dans 47 pays », ajoute-t-il.
Avant de tirer des conclusions sur le succès de l’application pour les expatriés égyptiens du Golfe, il faudra tester sa mise en oeuvre et répondre aux interrogations logistiques et techniques. L’expansion d’InstaPay est prometteuse mais nécessite une préparation minutieuse.