La coopération bilatérale entre la Guinée et la République populaire de Chine a eu, le 4 octobre dernier, 65 ans d’existence. Cet anniversaire a été une occasion pour les deux partenaires stratégiques d’évaluer le chemin parcouru, d’identifier les nouveaux défis ainsi que les perspectives afin de raffermir davantage leurs avenirs communs.
Dans le sillage de la commémoration de cet important événement diplomatique, nous avons rencontré le Dr. Mohamed Diané qui est le Directeur général de l’hôpital de l’Amitié Sino-guinéenne. Avec lui, nous avons parlé de l’impact significatif de la coopération sino-guinéenne sur le secteur de la santé en Guinée, des défis auxquels est confronté son hôpital ainsi que des avancées notables réalisées dans les soins dispensés aux patients. Avant-gardiste dans sa gestion, l’Hôpital de l’Amitié Sino-Guinéenne (HASIGUI), au-delà du symbole, est un véritable baromètre de la bonne santé de l’axe Beijing-Conakry. Lisez !
Présentez-vous ainsi que votre centre hospitalier qui est un fruit de la coopération Sino-guinéenne ?
Dr Mohamed Diané : je suis médecin. J’ai fait mes études en Guinée, l’école primaire, le collège, le lycée et l’université Gamal Abdel Nasser, où j’ai obtenu un doctorat en médecine. Après cette formation, j’ai suivi d’autres formations à l’étranger, notamment en Italie et au Sénégal. Au Sénégal plus précisément, je suis un ancien élève de l’école « SESAME » où j’ai suivi une formation en administration hospitalière et je me suis spécialisé en gestion hospitalière…
Je travaille à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne depuis à sa création. Je peux vous dire que j’ai traversé presque gravi tous les échelons : j’ai été chef de service adjoint de la traumatologie, le premier secrétaire général du syndicat de l’hôpital, et directeur général adjoint avant de devenir le Directeur général actuel de cet hôpital.
Concernant le lien entre la Guinée et la République populaire de Chine, il remonte à plus de 60 ans. À l’époque, la mission médicale chinoise était présente dans différentes régions de Guinée : la région de Kankan, la région de Labé, et la zone spéciale de Conakry. Après la construction de l’édifice où nous nous trouvons actuellement, la coopération sino-guinéenne a jugé nécessaire de réunir tous ces experts chinois de différentes spécialités à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne. Chaque année et tous les 16 mois, il y a un renouvellement de la mission médicale chinoise.
L’hôpital de l’amitié sino-guinéenne est un établissement construit et équipé à 100 % par la coopération chinoise. Cet hôpital est construit sur une superficie de 10 208 mètres carrés. Avant que cet hôpital ne soit mis à la disposition de la Guinée, en 2009, il y a eu une grande réforme hospitalière dans notre pays. Après cette réforme, le ministère de la Santé a constaté certains dysfonctionnements liés à la gestion de l’hôpital, à la motivation du personnel, et à la gestion des infrastructures et des équipements. Les équipements des autres hôpitaux ne répondaient pas aux besoins de la population guinéenne, malgré les moyens importants mis à disposition par l’État et ses partenaires…
Quand ce constat se faisait, l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne était encore en phase de construction. Les autorités d’alors ont jugé nécessaire d’expérimenter une autre méthode de gestion hospitalière. Dans cette optique, le ministère de la Santé a posé un certain nombre de questions auxquelles il a cherché à répondre. Ils se sont interrogés sur le statut à donner à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne, alors appelé « hôpital spécialisé », avant sa remise officielle au gouvernement guinéen. Ils ont également réfléchi au mode de gestion de l’hôpital pour atteindre les objectifs liés aux besoins de la population, au type de management hospitalier à mettre en place et aux éléments contractuels à suivre.
Pour répondre à cette série de questions, les autorités ont envisagé un statut d’hôpital EPA (Établissement Public Administratif) doté d’une autonomie de gestion financière et de personnel, avec des missions de soins spécialisés et de recherche appliquée. Ils ont opté pour une méthode de gestion privée permettant d’équilibrer les charges et les recettes. Pour le management, un appel d’offres a été lancé pour le recrutement des directeurs, avec l’exigence que le Directeur général d’un hôpital comme l’hôpital sino-guinéen ou les hôpitaux nationaux soit titulaire d’un diplôme en administration hospitalière.
Ils ont également pensé aux contrats de performance, permettant de mettre en place des dispositifs organisationnels et des procédures définies par le département de tutelle afin d’atteindre les objectifs. Après ces analyses, l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne (HASIGUI) a été créé pour expérimenter ces idées et répondre aux besoins de la population. La construction de l’hôpital a été achevée en 2010 et il a été mis à disposition de la Guinée. L’HASIGUI a commencé à fonctionner pleinement en avril 2012.
Nous avons d’abord ouvert les services de diagnostic, le laboratoire, la pharmacie et les consultations. Progressivement, toutes les unités et services de l’hôpital ont été ouverts. L’État a affecté du personnel et fourni des fonds pour l’achat de médicaments, d’appareils, de matériel biomédical et de consommables médicaux afin d’assurer le bon fonctionnement de l’hôpital. La coopération chinoise ayant construit et équipé l’hôpital pour une valeur de 10 millions de dollars américains, a continué à fournir du matériel supplémentaire, des médicaments, des réactifs, ainsi que des ambulances médicalisées.
En 2016-2017, une évaluation des activités de l’hôpital a été menée. Il est apparu que les activités actuelles ne pouvaient pas satisfaire à 100 % les besoins de la population guinéenne. La mission de l’hôpital est de prendre en charge les malades graves, autrefois évacuées à l’étranger ou dans la sous-région, ainsi que les urgences orientées depuis les hôpitaux de l’intérieur du pays et de Conakry, tels qu’Ignace Deen et Donka, grâce à son plateau technique.
L’évaluation a révélé que les structures sanitaires de l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne, bien que de référence, ne pouvaient pas prendre en charge certaines pathologies en raison des besoins croissants de la population. Ainsi, un projet d’extension a été mis en place pour mieux satisfaire ces besoins.
C’est ce qu’on appelle la deuxième phase de l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne. Je vous avoue qu’actuellement, nous avons ici trois blocs : un bloc administratif, un bloc pour les consultations, et un bloc pour le service des urgences, le laboratoire biomédical, et l’imagerie médicale. Il y a aussi un bloc pour la chirurgie viscérale avec les salles opératoires et un bloc pour l’hospitalisation. Malgré tout cela, le projet de la deuxième phase vise à atteindre l’objectif de l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne : maîtriser ou diminuer drastiquement le taux d’évacuation sanitaire, qui constitue une hémorragie financière pour la nation guinéenne.
Dans ce cadre, nous avons mis en place le projet de la deuxième phase, qui prévoit la construction de nouveaux services, notamment l’urologie, actuellement disponible seulement à Ignace Deen, afin que les patients puissent être plus proches de leurs médecins et de leurs services de soins. Ce projet inclut également un service des grands brûlés et un service de chirurgie vasculaire, des disciplines pour lesquelles nous manquons de spécialistes en Guinée, malgré un grand nombre de patients présentant ces pathologies. Nous avons aussi prévu un service de cathétérisme cardiaque, qui permet de diagnostiquer les insuffisances cardiaques, d’examiner tous les vaisseaux de la tête aux pieds, et de traiter les maladies cardiaques.
Nous avons installé un scanner de 64 barrettes, une IRM de 1.5 Tesla, et une radiographie numérisée. L’extension comprend également une salle de réanimation et de soins intensifs de haut niveau, équipée comme dans les pays hautement développés, avec trois blocs opératoires et 40 lits pour l’hospitalisation. Tout cela a été mis en place pour corriger les insuffisances constatées après la première phase, par rapport aux besoins de la population.
Dans cet hôpital, les experts chinois se relaient tous les 16 mois. Je vous assure que pour chaque spécialité présente à l’hôpital sino-guinéen, la coopération chinoise nous envoie des experts dans ces différents domaines.
Quelles les spécialités dans lesquelles les médecins chinois interviennent à l’hôpital sino-guinéen ?
Dr Mohamed Diané : comme je l’ai mentionné au début, c’est un hôpital spécialisé, construit pour réduire considérablement le taux d’évacuation sanitaire, qui constitue une hémorragie financière. À l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne, la carte hospitalière comprend des services médicaux et médico-techniques. Les services médicaux incluent la cardiologie, la neurologie, la neurochirurgie, la traumatologie, la chirurgie viscérale, la chirurgie thoracique, les urgences, la réanimation, et l’acupuncture, également appelée rééducation fonctionnelle.
Les services médico-techniques incluent la pharmacie hospitalière, la maintenance, le laboratoire biomédical, l’imagerie médicale, l’anatomopathologie, et d’autres services de soutien comme l’administration hospitalière, la buanderie et la restauration.
Dans tous ces services cliniques, médicaux et de soutien, il y a toujours un expert chinois qui collabore étroitement avec les médecins guinéens.
Vous mentionnez différents services, ce qui suppose des pathologies spécifiques. Que peut-on savoir sur ces pathologies particulières ?
Dr Mohamed Diané : après avoir analysé l’hémorragie financière de l’État liée à l’évacuation sanitaire, nous avons ciblé les services qui causent le plus de dépenses. Ce sont ces services qui se trouvent ici. Par exemple, dans le service de neurochirurgie, nous effectuons des interventions chirurgicales en collaboration avec la mission médicale chinoise, une première en Guinée. Ce service a réalisé une intervention chirurgicale sur une tumeur de la base du crâne, en passant par la cavité nasale sans ouvrir le crâne, une procédure extrêmement délicate et risquée.
Nous avons également mis en place un centre de neurosciences équipé pour former les jeunes neurochirurgiens à la suture des petits vaisseaux invisibles à l’œil nu, en utilisant des appareils de nouvelle génération qui permettent de visualiser le cerveau pendant et après l’intervention.
En ce qui concerne le service de cardiologie, nous avons évolué vers la cardiologie interventionnelle. Autrefois, de nombreux Guinéens devaient aller à l’étranger pour traiter une insuffisance cardiaque. Aujourd’hui, ce traitement est disponible à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne grâce à notre centre de cathétérisme cardiaque. Ce centre permet de diagnostiquer les insuffisances cardiaques et de déterminer si un patient a besoin d’un ou plusieurs stents. Nous effectuons d’abord un diagnostic coronarien en envoyant des contrastes pour localiser l’obstruction et déterminer le traitement nécessaire. Cette procédure se fait désormais ici et contribue à réduire le nombre de patients souffrant de cette pathologie. C’est un progrès significatif pour la qualité des soins dans notre système de santé.
Guinéenews : Nous savons aussi que vous bénéficiez de toutes les nouvelles technologies pour votre développement. Pouvez-vous nous parler des programmes de formation et de développement que vous offrez au personnel médical ?
Dr Mohamed Diané : le programme de formation continue à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne comprend trois types de formations.
Le premier type de formation est la formation interne. Nous organisons des présentations sur les pathologies des différents services, sur ce que l’on appelle les incidents critiques, ainsi que des présentations de cas cliniques. Nous avons également des formations continues au sein des services. Par exemple, dans le service de traumatologie, un agent peut être chargé de présenter un thème comme la pose d’un cathéter en plénière, suivi de questions-réponses. Cela permet au personnel de s’améliorer. De plus, des experts viennent former les travailleurs sur des sujets comme le management hospitalier, en commençant par les chefs de service et d’autres personnes ressources, afin d’assurer un alignement et une organisation interne efficaces.
Le deuxième type de formation est la formation à l’étranger. Nous envoyons le personnel de santé en Chine pour des formations pratiques et théoriques dans des hôpitaux chinois. De plus, les coopérants chinois offrent également des formations théoriques et pratiques ici même, contribuant ainsi à l’amélioration continue de la qualité des prestations.
Le troisième type de formation concerne les hospitalo-universitaires. Nous avons des programmes qui permettent de rehausser le plateau technique de l’hôpital. Pour ces hospitalo-universitaires, l’hôpital assure la publication de leurs travaux et prend en charge leurs déplacements pour des conférences à l’étranger. Ils forment également localement le personnel.
Voici donc les trois types de formation offerts à l’hôpital sino-guinéen.
Comment évaluez-vous aujourd’hui l’impact des services de votre structure sur la santé des usagers ?
Dr Mohamed Diané : pour évaluer la satisfaction des usagers, nous avons mis en place un système permettant aux patients de s’exprimer librement. Nous disposons de boîtes à suggestions à l’hôpital, et nous avons récemment introduit un système moderne. Vous avez peut-être remarqué des dispositifs près des portes où les patients peuvent scanner un QR code avec leur smartphone et écrire leurs commentaires, qu’ils soient positifs ou négatifs. La direction recueille ces informations pour apporter des améliorations. À mon humble avis, la population est satisfaite de la prise en charge à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne.
L’une des vitrines de notre hôpital est le service des urgences, où la prise en charge est effective sans exiger de paiement préalable. Nous stabilisons d’abord le patient en état d’urgence, et après son rétablissement, nous informons les proches des coûts encourus. Mais jamais nous ne demandons de paiement avant de fournir les soins. Nous soignons d’abord et présentons la facture ensuite.
Malgré des avancées, votre établissement reste toujours confronté à des difficultés. Parlez-nous des défis que vous rencontrez ?
Dr Mohamed Diané : les difficultés sont nombreuses. Il est rare d’avoir une structure sans défis ni perspectives d’amélioration. L’hôpital de l’amitié sino-guinéenne rencontre plusieurs difficultés, que je vais résumer en quelques points.
Lorsque nous avons ouvert cet hôpital, nous avons constaté un manque de ressources humaines. Le système en place à l’hôpital sino-guinéen est différent de celui des hôpitaux comme Donka ou Ignace Deen. Le personnel de santé a parfois l’habitude, disons-le franchement, de tirer profit des équipements de l’État pour leurs propres bénéfices. À l’hôpital sino-guinéen, cela n’est pas possible. Ici, les prestataires de soins ne peuvent pas sous-tarifer ou sous-notifier les prestations à leur guise, ce qui a rendu certains réticents à venir travailler avec nous.
Par exemple, dans un autre hôpital de Guinée, un traumatologue peut demander 15 millions de francs guinéens pour une opération de fracture, mettant cet argent dans sa poche. À l’hôpital sino-guinéen, cela est impossible. Celui qui est habitué à empocher de telles sommes ailleurs ne pourra pas s’adapter à notre système. Nous faisons face à un problème de ressources humaines qualifiées dans certains services spécialisés, et c’est l’un de mes principaux combats aujourd’hui.
Quels sont ces services qui sont le plus durement touchés par cette pénurie de personnel ?
Dr Mohamed Diané : nous rencontrons des problèmes de personnel dans plusieurs domaines. Au niveau de la chirurgie thoracique et de la chirurgie viscérale, ce n’est pas par manque de médecins, mais en raison des exigences de l’hôpital pour des ressources humaines qualifiées et expérimentées. Nous avons des insuffisances de personnel dans la chirurgie thoracique, la chirurgie viscérale, la neurologie et la neurochirurgie. Nous avons également une pénurie criarde dans les services de réanimation et de soins intensifs, avec seulement un spécialiste dans ce domaine. Ces spécialités sont rares dans notre pays, et nous ne comptons pas plus de dix spécialistes dans certaines d’entre elles. Un seul a accepté de venir travailler à Sino-guinéen.
Nous possédons des équipements à la hauteur des attentes de la population guinéenne, mais nous avons également besoin de ressources humaines qualifiées pour répondre à ces attentes. Nous manquons de spécialistes en chirurgie cardiaque, bien que nous disposions des équipements nécessaires pour traiter ces pathologies. Nous avons aussi des équipements pour la chirurgie vasculaire, mais il n’y a pas de ressources humaines compétentes pour les utiliser. En Guinée, les ressources humaines représentent un véritable défi dans tous les hôpitaux.
Nous avions également un problème lié à l’oxygénation. Nous ne pouvons pas travailler au bloc opératoire sans oxygène, surtout pour les grands malades qui nécessitent une oxygénation constante. Le service de réanimation reçoit des patients graves et comorbides qui doivent absolument être sous oxygène pur. À part les problèmes de ressources humaines, l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne ne rencontre pas d’autres besoins majeurs.
Guinénews : quelles mesures avez-vous prises pour faire face à ces difficultés ?
Dr Mohamed Diané : à mon arrivée à la tête de cette institution, la situation était très difficile, mais nous nous sommes adaptés. Actuellement, lors des recrutements, je n’accepte que les spécialistes qui apportent une valeur ajoutée. J’ai recruté deux grands cardiologues guinéens qui réalisent des examens que nous ne faisions pas auparavant. En plus de l’échocardiographie, ils effectuent des échographies doppler des membres inférieurs et des vaisseaux pulmonaires, ce qui constitue une valeur ajoutée et améliore les activités de ce service.
En neurologie, nous avons des équipements comme l’électroencéphalogramme, mais il faut des spécialistes pour les utiliser. J’ai recruté de jeunes neurologues capables de les exploiter, ce qui est un atout pour la prise en charge des patients nécessitant cette exploration fonctionnelle.
Le service de traumatologie était en déclin, mais j’ai recruté deux grands traumatologues. Ce qui a permis à ce service de devenir le premier service clinique de l’hôpital sino-guinéen de Kipé. J’ai également recruté et fidélisé un réanimateur, car son départ serait catastrophique pour nous. Je me bats, à travers mes relations personnelles, pour dénicher des Guinéens vivant au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso afin de les attirer à l’hôpital sino-guinéen pour conjuguer nos efforts dans la prise en charge médicale de nos compatriotes. Cela n’est pas facile et demande beaucoup de moyens.
Aujourd’hui, tous nos efforts visent à minimiser les évacuations sanitaires, ce qui constitue ma mission principale.
Guinéenews : vous êtes médecin chirurgien avec une expertise confirmée dans l’administration hospitalière. Ce qui vous a permis de gravi tous les échelons pour devenir le principal dirigeant de cet hôpital. Quelle est aujourd’hui votre fierté en dirigeant une telle structure ?
Dr Mohamed Diané : c’est une très grande fierté pour moi de gérer cette institution que je connais très bien, car j’ai commencé dès les débuts de cet hôpital. Je suis allé en Chine pour la première fois au compte de cet hôpital et j’ai suivi toute son évolution. C’est vraiment un immense plaisir pour moi de le diriger. Comme le dit l’adage, « On peut aller vite seul, mais on va plus loin ensemble ». Si nous conjuguons nos efforts, je suis sûr que nous atteindrons les objectifs fixés par la direction et irons encore plus loin dans cette vision.
Je tiens à vous informer que l’hôpital sino-guinéen est numérisé. Nous avons une unicité des caisses, une hygiène hospitalière exemplaire, et une dispensation nominative individuelle journalière des médicaments, ce qui minimise les accidents iatrogènes. Nous avons un système de contrôle de présence, une prise en charge immédiate des malades en urgence avant le paiement des frais de prestation, et une cellule de communication digitale et de relations publiques. L’internet haut débit permet aux agents de santé de se connecter pour faire leurs propres recherches. Nous avons également humanisé toutes les salles de l’hôpital. Par exemple, les salles de quatre lits ont été transformées en boxes pour permettre aux patients de conserver leur intimité. Tout est propre et climatisé.
Nous tenons des réunions de directoire, car nous n’avons pas encore de conseil d’administration. Le comité directoire est la plus grande instance de l’hôpital et c’est un comité décisionnel. Je ne prends pas de décisions, seul. Nous le faisons en collégialité avec les membres de cette commission. Nous organisons des réunions des chefs de services une fois par mois et faisons le compte-rendu de la session budgétaire pour assurer la transparence dans le management hospitalier. Chaque mois, et chaque jour lors des réunions de STAFF, nous faisons un compte-rendu des activités et des recettes.
Après la session budgétaire, nous faisons un compte-rendu en plénière pour que chacun sache combien l’hôpital a généré en recettes propres et créances, et comment nous devons gérer ces recettes. Il y a une réelle transparence à l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne de Kipé.
Nous avons réalisé certaines interventions chirurgicales, comme la cœliochirurgie, où l’on n’ouvre pas le patient pour faire une appendicectomie ou une cystectomie. Nous utilisons des appareils appelés cœlioscopes pour ces interventions. Actuellement, à mon avis, nous sommes le seul hôpital qui le fait. Nous traitons aussi les tumeurs à l’aide de microscopes. Nous avons une disponibilité de documents administratifs et respectons strictement les horaires d’arrivée et de départ.
Je vous ai parlé de la transparence dans la gestion des finances. Nous avons également des instances de gouvernance hospitalière qui fonctionnent correctement, comme le comité médical consultatif, le comité de discipline, le comité d’hygiène et le comité scientifique. Tout cela fait partie de la gouvernance hospitalière. Nous utilisons un manuel de procédures, un organigramme et un règlement intérieur. La direction est engagée dans la modernisation et l’innovation de l’hôpital, et nous disposons d’un système de vidéosurveillance.
Dans le cadre de vos prestations, avez-vous, par souci de transparence, une tarification pour chaque pathologie ? Comment définissez-vous les prix lorsque vous recevez les patients ?
Dr Mohamed Diané : il y a des tarifications visibles. Comme je l’ai mentionné, tout est transparent à l’hôpital sino-guinéen. Dans le grand salon, vous pouvez voir deux grands écrans, affichant quotidiennement l’équipe de garde, avec leurs noms, leurs photos et leurs numéros de téléphone. L’équipe de consultation et tous les médecins qui doivent consulter sont également affichés de manière automatique.
À l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne de Kipé, nous avons une unicité des caisses. Quand je vous consulte, j’ai déjà un reçu pour la consultation. Les examens prescrits sont détaillés avec leurs coûts spécifiques. Vous vous rendez ensuite à la caisse où les prix des prestations, comme la numération des vomissements sanguins, sont clairement indiqués. De même, à la pharmacie, un petit ticket répertorie tous les prix et les items disponibles, garantissant ainsi une totale transparence.
Pouvez-vous nous donner une idée des tarifs des consultations et interventions chirurgicales à l’hasagui ?
Dr Mohamed Diané : oui, bien sûr ! Les tarifs se situent entre les consultations et les interventions chirurgicales, avec deux types de tarification. Pour les consultations, le tarif officiel est de 50 000 francs, sauf pour le service d’urgence qui est à 60 000 francs. Les consultations spécialisées pour les enfants coûtent 30 000 francs. Ce tarif est payé une seule fois par mois.
Concernant les interventions chirurgicales, à ce jour, aucune ne dépasse 5 millions de francs. Ce montant inclut tout : consultation pré-anesthésie, anesthésie loco-régionale ou générale, intervention chirurgicale proprement dite, et consommables nécessaires. Cependant, il y a des éléments, comme les implants pour la neurochirurgie ou les fémurs et hanches en traumatologie, que l’hôpital ne maîtrise pas car, ils ne sont pas des produits médicaux disponibles sur place.
Dans certaines structures sanitaires de notre pays, on peut vous demander 50 millions ou 90 millions, en plus de vous faire acheter les consommables séparément. Ici, le montant de 5 millions inclut tout, y compris les consommables.
Votre parcours se confond aujourd’hui avec l’histoire de cet hôpital, puisque vous êtes là depuis le début. En effet, quelle appréciation faites-vous de la coopération sino-guinéenne notamment dans son volet santé ?
Dr Mohamed Diané : la coopération sino-guinéenne dans le domaine médical apporte beaucoup de bénéfices aux soins de nos populations. C’est une coopération que j’apprécie énormément et je demande humblement à nos dirigeants de la renforcer davantage. Elle offre plusieurs avantages à notre pays. Par exemple, dans le domaine sanitaire que je connais bien, les voyages de formation de Conakry en Chine sont pris en charge à 100% par la coopération : les agents de santé bénéficient d’un soutien total pour le transport aller-retour, le logement et la nourriture. Tout est inclus. J’apprécie cette coopération.
Lorsque nous avons besoin d’équipements, il suffit de le signaler à nos partenaires chinois et les équipements arrivent rapidement à Conakry. Nous utilisons ces équipements pour soigner nos compatriotes souffrant de pathologies nécessitant ces appareils. C’est déjà un succès de cette coopération. Les professionnels chinois viennent également traiter nos patients. Je remercie les deux pays, en particulier l’ambassadeur de Chine en Guinée et notre Premier ministre ainsi que le président de la République. Cette coopération est vraiment essentielle. Pour la Guinée, c’est l’une des meilleures collaborations dans le domaine de la santé.
Avant de clore cette interview, avez-vous singulièrement quelque chose à porter à l’intention des Guinéens ?
Dr Mohamed Diané : je voudrais souligner l’existence d’un système de monitorage que nous avons instauré dans les services, ici l’HASAGUI. Pour le mois de juin, par exemple, ce travail de monitorage a été sanctionné par un rapport qui inclut toutes les données générales de l’hôpital… C’est un monitorage qui présent la population accessible, la carte hospitalière avec les services de cardiologie et de neurologie et le nombre de lits. Nous avons un total de 112 lits, dont 103 sont ouverts. Le personnel total de l’hôpital à ce jour est de 164 personnes, toutes catégories confondues, avec un ratio homme/femme de 1,56…
Le profil épidémiologique inclut les principales causes de consultation. Nous avons comparé le premier semestre de 2023 (année N-1) avec le premier semestre de 2024 (année N) pour évaluer notre évolution et nos insuffisances. Par exemple, les consultations pour « autres affections ostéo-articulaires » sont passées de 242 en 2023 à 445 en 2024, ce qui montre une augmentation des prestations. Cette augmentation va de pair avec la qualification et la qualité des prestataires.
Nous avons également identifié les principales causes d’hospitalisation, avec une évolution et parfois une régression dans certaines catégories pour lesquelles nous avons des explications. En ce qui concerne les pathologies dites « traceuses », nous avons ici cinq pathologies avec des taux de létalité.
Ce qui est aussi important de souligner ici, c’est le fait que certaines personnes s’emploient activement de façon malveillante à colporter au sujet de l’hôpital sino-guinéen des fausses informations en direction des populations…
Qu’est-ce que vous voulez dire concrètement par-là ?
Dr Mohamed Diané : ici, il faut préciser que nous recevons un nombre important de dépôts de corps. Justement parlant de ces dépôts de corps, un haut responsable de notre pays, au cours d’une discussion un jour, m’a posé la question de savoir si tous ces corps enregistrés à la morgue, sont réellement des patients de l’hôpital. Je lui ai expliqué un certain nombre d’exemples dont celui du célébrissime artiste Mory Kanté qui n’était pas décédé à l’hôpital sino-guinéen. Contrairement à ce que certaines personnes pourraient croire. Il en a été de même pour le magistrat Doura Chérif ou de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé.
Dans cette structure, nous avons mis en place une stratégie pour la gestion des décès qui sont de deux types : le décès attendu et le décès non attendu.
Un décès attendu concerne un patient en fin de vie comme un malade transféré depuis les États-Unis pour des soins palliatifs. Nous ne pouvons pas expulser un malade de l’hôpital. S’il décède, c’est un décès attendu. De même, un patient avec un trauma crânien sévère, avec un score de Glasgow très bas, est également considéré comme un décès attendu.
En revanche, lorsqu’un malade arrive gravement atteint dans la cour de l’hôpital et meurt ici, cela est considéré comme un décès hospitalier. Pour ces cas, nous avons une procédure pour examiner ce qui a été fait ou omis dans le traitement du patient. Nous analysons les actions entreprises et les mesures manquantes afin d’améliorer nos pratiques et éviter des incidents similaires à l’avenir. Toute grave condition qui dure cinq jours dans un service spécialisé doit être suivie de près, avec des mises à jour régulières aux familles sur l’état du patient et des présentations pour tenir l’ensemble de l’hôpital informé.
Nous avons eu un cas récent d’un patient gravement malade, dont le décès aurait été attendu en raison de la gravité de la pathologie. Je vous apprends que nous récapitulons systématiquement dans un tableau, les principales causes d’hospitalisation et de mortalité. Par exemple, nous avons des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et de l’hypertension artérielle, avec des écarts minimes dans les pourcentages. Il y a également un autre tableau sur la disponibilité des ressources humaines, décrivant une évolution positive par rapport à l’année précédente.
Surce: @GUINEENEWS
Article Modifier par TheBlackRedStart