En accueillant le premier ministre indien ou le secrétaire général de l’ONU, à Kazan, du 22 au 24 octobre, pour le sommet des Brics+, le président russe démontre qu’il n’est plus un paria. Vladimir Poutine souhaite faire de ce forum des émergents un bloc uni contre l’Occident, ce qui s’annonce plus difficile.
Lors du sommet des grands pays émergents, à Kazan (Russie), Vladimir Poutine a pu démontrer qu’il reste fréquentable. Une vingtaine de chefs d’État, ainsi que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ont fait le déplacement pour le sommet annuel des Brics+. Parmi eux : le Chinois Xi Jinping, le Turc Recep Tayyip Erdogan ou l’Égyptien Abdel Fattah Al Sissi.
Hôte du sommet, Vladimir Poutine a pris soin de multiplier les rencontres bilatérales. À l’issue de sa rencontre avec le premier ministre indien, il a dû subir sans broncher quelques remontrances à propos de l’invasion de l’Ukraine. « Nous croyons que les conflits ont vocation à être résolus uniquement pacifiquement, a rappelé Narendra Modi. Nous soutenons les efforts pour restaurer rapidement la paix ». La leçon, toutefois, n’a pas gâché l’humeur du président russe, alors que l’Inde négocie par ailleurs un gros contrat d’achat à long terme de pétrole russe.
Même chose avec la venue d’Antonio Guterres. Le secrétaire général de l’ONU a pris soin de réitérer sa condamnation « de toutes les violations de la charte des Nations Unies » et de se présenter en médiateur disponible pour mettre fin au conflit. Mais l’important, pour le président russe, c’est d’abord l’image de sa poignée de main. Il a pu montrer aux Russes que son chef demeure un interlocuteur incontournable.
Les Brics+, 26 % du PIB mondial
En accueillant à Kazan le sommet annuel des Brics+, Vladimir Poutine avait aussi une ambition plus grande : faire de cette réunion une tribune pour le « sud global » réuni autour d’une remise en question de l’ordre occidental. « Le processus de formation d’un monde multipolaire est en cours, un processus dynamique et irréversible », a affirmé le président russe en ouverture du sommet. La réalité, toutefois, est plus nuancée.
Parmi les pays ayant rejoint les Brics+ – ou en passe de le faire –, tous ne sont pas désireux d’une confrontation avec les pays développés. Réuni pour la première fois en 2009, ce forum compte parmi ses fondateurs la Russie, la Chine, le Brésil et l’Inde. Puis sont venus l’Afrique du Sud en 2010, et en 2023 l’Iran, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie, l’Égypte. D’autre pays pourraient bientôt rejoindre ce club informel : la Malaisie, la Thaïlande et la Turquie. Actuellement, les neuf membres des Brics+ représentent 26 % de l’économie mondiale et 45 % de la population.
Avec le soutien de la Chine, la Russie tente de créer de nouvelles institutions internationales offrant une alternative à celles nées après la Seconde Guerre mondiale. Les Brics+ ont ainsi lancé une Banque de développement dont le rôle est le même que la Banque mondiale. Elle est basée à Shanghaï et opérationnelle depuis 2016. Elle a déjà approuvé 33 milliards de dollars de prêts (30 milliards d’euros) pour financer des projets d’infrastructures au sein des pays membres. Et, pour soutenir un projet, elle n’a pas les mêmes exigences que la Banque mondiale, en termes de respect des droits de l’homme ou de bonne gestion.
Le dollar, une monnaie « toxique » pour Moscou
La Russie veut aussi développer un système de paiement alternatif à Swift, la messagerie sécurisée entre banques du monde entier. Elle souhaite accroître le troc entre membres pour les matières premières. Le but est de combattre l’hégémonie du dollar, une monnaie jugée « toxique » par Moscou, et de se mettre à l’abri des sanctions venant de pays développés.
Mais tous les membres des Brics+ ne sont pas sur la même ligne : l’Inde et le Brésil souhaitent développer la coopération entre pays émergents. Mais New Delhi craint aussi l’hégémonie de la Chine, la puissance économique dominante au sein des Brics+. Brasilia ne veut pas se fâcher avec les États-Unis, grand client pour ses exportations de soja. Ces membres fondateurs des Brics+ ne sont pas prêts à suivre la Russie dans son combat systématique contre le monde occidental et à fracturer la planète en deux camps, comme au temps de la guerre froide.
Source: LaCroix