Le navire de la marine italienne transportant 16 hommes interceptés en Méditerranée accoste ce mercredi 16 octobre dans un port albanais, en vertu de l’accord controversé passé par la dirigeante d’extrême droite Giorgia Meloni avec Tirana.
Cette externalisation de la demande d’asile, conspuée par de nombreuses ONG de défense des droits humains, est inédite en Europe. Le Libra, bateau de la marine italienne avec à son bord les premiers migrants interceptés dans les eaux italiennes et emmenés en Albanie, est arrivé ce mercredi 16 octobre au petit matin dans le port albanais de Shengjin, après plus de trente-six heures de voyage en mer.
Les seize hommes, originaires d’Egypte et du Bangladesh, seront enregistrés dans des préfabriqués installés par l’Italie sur le port albanais, avant d’être emmenés 20 kilomètres plus loin dans le camp de Gjader, où ils pourront déposer leurs demandes d’asile et attendre la réponse des autorités italiennes. Là, installés dans des préfabriqués de 12 m² entourés de hauts murs et surveillés par des caméras et des membres des forces de l’ordre italiennes, ils pourront déposer leurs demandes d’asile. Si cette dernière est refusée, des cellules ont été installées dans le camp, en attendant de les renvoyer dans leur pays d’origine.
Ces personnes avaient été interceptées dans les eaux internationales dimanche par les autorités italiennes. Leur arrivée en Albanie a été rendue possible par un accord controversé signé entre Rome et Tirana en novembre 2023. Le gouvernement de Giorgia Meloni, cheffe du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, a signé avec Tirana un accord prévoyant la création de deux centres en Albanie, d’où les migrants pourront effectuer une demande d’asile. Cet accord d’une durée de cinq ans, dont le coût pour l’Italie est estimé à 160 millions d’euros par an, concerne les hommes adultes interceptés par la marine ou les garde-côtes italiens dans leur zone de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales.
La procédure prévoit un premier contrôle sur un navire militaire, avant un transfert dans un centre du nord de l’Albanie, au port de Shengjin, pour une identification, puis vers un second centre, sur une ancienne base militaire à Gjader. Les centres devraient avoir une capacité d’accueil de 1 000 places dans un premier temps, puis 3 000 à terme, des chiffres qui pour certains ne justifient pas cet accord.
«Dangereuse expérience politique»
De nombreuses ONG y voient une violation des règles internationales. «Les premières personnes à arriver dans les nouveaux centres de détention italiens méritent mieux que d’être soumises à cette dangereuse expérience politique», a martelé Susanna Zanfrini, directrice pour l’Italie de l’ONG de défense des droits humains International Rescue Committee (IRC). «Ces centres sont coûteux, cruels et contre-productifs et n’ont pas leur place dans un système d’asile humain et durable», a-t-elle ajouté, citée dans un communiqué de l’IRC, tandis qu’une autre responsable de l’ONG, Marta Welander, a dénoncé «un jour sombre pour les politiques de l’UE en matière d’asile et d’immigration».
Les ONG dénoncent aussi régulièrement le traitement inhumain subi par les migrants en Tunisie et en Libye. L‘ONG allemande Sea Watch a notamment défini les gardes-côtes libyens et tunisiens «de véritables trafiquants d’êtres humains». L’UE pourrait toutefois s’inspirer de cette mesure. «Avec l’entrée en vigueur du protocole Italie-Albanie, nous pourrons également tirer les leçons de cette expérience», a écrit lundi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, sous pression de plusieurs Etats membres, dont la France et l’Allemagne. Une réunion informelle, à l’initiative de l’Italie, aura lieu à Bruxelles en marge du sommet des 17 et 18 octobre avec les pays les plus intéressés par la question migratoire, a déclaré Giorgia Meloni. Cet accord a malgré tout peu de chances d’être étendu à d’autres pays car il n’a été concédé par Tirana à Rome qu’en raison des liens historiques entre l’Italie et l’Albanie.