En vue d’une hypothétique confrontation avec l’Occident, Pékin recrute à tour de bras des pilotes, mais également des ingénieurs et experts en aviation militaire venus des Etats-Unis et d’ailleurs : une stratégie qui inquiète les nations anglo-saxonnes, qui ont publié un communiqué commun.
Des pilotes militaires français, mais aussi allemands, australiens ou encore canadiens, recrutés en Afrique du Sud pour former les aviateurs de Pékin : ce procédé, en place depuis 2012, inquiète de plus en plus fortement Washington et ses alliés.
Dans un communiqué commun publié le 5 juin, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, rassemblés dans le groupe de partage de renseignements Five Eyes, ont alerté du « braconnage de l’expertise militaire occidentale » en cours, à grand renfort de salaires mirobolants et d’opportunités inédites pour leurs anciens aviateurs.
Des dizaines de pilotes à la solde de Pékin
Michael Casey, directeur du National Counterintelligence and Security Center américain qui a participé au communiqué, ne mâche pas ses mots : Pékin « recrute agressivement » des pilotes militaires occidentaux afin d’entraîner ses propres aviateurs depuis des années, sans que les alliés atlantiques ne parviennent à endiguer le phénomène. « L’Armée de Libération Populaire désire les talents et l’expertise de ces individus afin de renforcer ses opérations militaires aériennes tout en gagnant des connaissances sur les techniques, procédures et tactiques aériennes occidentales« , explique ainsi le bulletin publié le 5 juin.
Car le procédé est connu depuis plusieurs années : en 2022, la « Test Flying Academy of South Africa », une école d’aviation privée en Afrique Australe, était ainsi épinglée par Washington pour son utilisation de plus de vingt anciens pilotes de l’armée britannique afin d’entraîner leurs comparses chinois. Cette école fait partie de 43 entités visées par des sanctions américaines en 2023 face à leur recrutement de pilotes occidentaux et leur soutien à la modernisation de l’armée chinoise, incluant des entreprises en Chine, mais aussi au Kenya, au Laos, aux Émirats arabes unis, ou encore au Royaume-Uni.
Des hauts salaires et des avions « exotiques »
Si des mesures sont bien prises par les nations anglo-saxonnes, Pékin parvient toujours à embaucher des pilotes grâce à plusieurs arguments de poids : selon un officiel américain anonyme cité par le Financial Times, « l’opportunité de voler dans des chasseurs exotiques peut attirer, encore plus quand on y ajoute un salaire élevé« . Les aviateurs peuvent être retraités, mais plusieurs d’entre eux étaient encore actifs récemment dans leurs forces armées respectives. Les procédures de recrutement sont par ailleurs souvent opaques, passant parfois par « des connaissances personnelles » et des offres d’emploi ne mentionnant pas directement l’Armée de Libération Populaire. À la clé, de l’argent, un poste à l’étranger, et des « informations vagues sur le client« . Le communiqué alerte donc sur les conséquences légales encourues par les pilotes, mais aussi « les risques » qu’ils font encourir à leurs collègues en cas de conflit.
Et selon le communiqué anglo-saxon, les pilotes ne sont pas la seule cible : la Chine s’intéresse aussi aux experts techniques du domaine militaire aérien, afin d’obtenir des connaissances complètes sur le fonctionnement des armées occidentales. Autant de personnel pouvant aiguiller Pékin sur les technologies employées par l’aviation des États-Unis et leurs alliés, mais également aux stratégies à employer en cas de conflit à Taïwan et/ ou en mer de Chine méridionale. Entre exercices militaires de grande échelle autour de l’île séparatiste revendiquée par Pékin et crise diplomatique de longue durée avec Manille, la probabilité d’une confrontation est en effet loin d’être négligeable ; d’où l’intérêt crucial de ces pilotes, et les efforts déployés par l’Occident pour empêcher leur exode.